HISTOIRES DE COLLECTIONS

Quel collectionneur n'a pas rêvé de découvrir dans un grenier des malles entières de vêtements oubliés là depuis des générations ?

Ce rêve est presque devenu réalité le jour où Marguerite m'a livrée son grenier. Dans de grands sacs poubelle ...

C'est d'abord l'histoire d'une maison qui n'existe plus, rasée à la veille de l'an 2000 pour laisser place à un immeuble de cinq étages. D'une maison au jardin grand comme un champ, à deux pas de la vieille ville d'Annecy. L'histoire d'une famille qui y a vécu deux siècles et qui se disloque avec elle.

A moi, qui ne connais rien d'eux de rêver devant les petits souliers craquelés d'enfant, les chaussons de bal, les bonnets de lingerie blanche, les rubans et les perles, les corsages démontés, les corsages conservés quoique rongés et cet unique gilet d'homme dans ce gynécée.

Il faudrait être ethnologue pour faire parler ces vêtements, les doubler de calculs et leur faire avouer leur histoire. Je me contente hélas de les regarder et de leur en inventer une.

Cet ensemble est contemporain de la construction de la maison (1760 env.).

Le corsage est bordé d'un biais de satin rose et fermé devant par quatre liens de lin vert .J'ai retroussé la jupe de dessus à la polonaise.

Parmi la cinquantaine de pièces que Marguerite m'a confiées, il n'y a qu'une seule jupe, celle-ci. On peut supposer que toutes les jupes ont été démontées et utilisées pour la confection de corsages ou robes à des époques ultérieures. Je me souviens avoir vu un jour, sur un étalage de brocante, un ravissant boléro 1870 de faille marron voisiner avec la robe 1950, plutôt banale, qui avait sans aucun doute été coupée dans la jupe assortie. Rageant !
Quoiqu'il en soit cette unique jupe n'a pas vraiment échappé à la malédiction : elle a été lavée. Le tissu est mou et les couleurs passées alors que le corsage présente encore des couleurs vives et brillantes.

Un femme de la famille a sans doute été à l'origine de cette collection, je dirais dans les années 1860, car les années 1850 -1860 sont les plus représentées.

Je date ce corsage de 1845-1850. Les manches sont bouillonnées à l'épaule et aux poignets, l'ampleur se trouvant essentiellement sous le coude. Les épaules sont prises dans une berthe (seule celle de droite subsiste). La taille forme une pointe assez prononcée devant.

Robe d'une seule pièce avec une petite ceinture incrustée, légèrement en pointe devant.

Corsage en gaze de Chambéry, à manches en pagode.

Toute femme de bonne famille se devait de posséder un châle en cachemire.

J'imagine que, comme le reste des vêtements, les châles ont été abondamment réutilisés. Celui-ci a été beaucoup utilisé et est rapiécé en de nombreux endroits. J'avoue mon ignorance totale (pour l'instant ...) en matière de châles. Je puis juste donner ses dimensions : 280 x 300 cm.

Il s'agit du seul vêtement signé d'un couturier de cette collection.
C'est un couturier annécien : A. BARATTA.

La faille devait être initialement aussi blanche que la dentelle et les galons posés au bas des manches. Six crochets sont posés sur le ruban de taille pour soutenir une jupe qui n'existe plus.

A partir de 1860, les pièces entières se font plus rares. Les femmes de la maison se font sans doute elle-même leurs robes. Tout est démonté. Avec les vêtements, Marguerite m'a donné également toute une mercerie : des flots de dentelles, de perles et de paillettes, de rubans parfois neufs, parfois non.